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Réflexion sur l’émergence électorale de l’écologie

samedi 3 avril 2010, par Simon Charbonneau

A propos des élections régionales en Aquitaine

REFLEXION SUR L’EMERGENCE ELECTORALE DE L’ECOLOGIE

A la suite des accords de Grenelle en 2007 et du résultat des élections européennes de 2009, les régionales de 2010 ont confirmé la place de la question écologique dans le champ du paysage politique. Depuis les années 70 qui ont vu cette question émerger au sein de la société civile à travers le mouvement associatif, celles qui ont suivi ont été marquées par l’inféodation des représentants de l’écologie politique au sein des partis de gauche en jouant un rôle minoritaire de supplétifs. Aujourd’hui, malgré ses efforts d’indépendance revendiquant un statut de troisième force politique, Europe Ecologie continue à se revendiquer à gauche et à se situer à la traîne du parti socialiste. En Aquitaine, sur un dossier aussi révélateur du fossé qui peut séparer la gauche classique des positions écologistes comme celui du programme pharaonique des LGV, la liste Europe Ecologie s’est retrouvée en conflit avec le parti socialiste. Quoique ayant engrangée un maximum de voix dans les communes impactées par le projet, pour d’autres raisons, elle n’a pu atteindre le seuil des 10% qui lui aurait permis de se représenter au second tour à cause d’une petite liste écolo concurrente opposée à toute inféodation à gauche. Cet échec a eu pour conséquence la dépendance accrue d’Europe Ecologie vis-à-vis du parti dominant et l’obligation d’avaler la couleuvre de la LGV. Il pose aussi le problème redondant du rôle historique que la question écologique joue au regard de la pérennité du clivage entre la gauche et la droite qui est un héritage idéologique du XIX ième siècle.
En effet, de nombreux dossiers démontrent amplement qu’au niveau des valeurs, un énorme fossé sépare la gauche des positions écologistes, à l’exception de la question sociale plus que jamais pendante aujourd’hui et de celles des libertés. Ces dossiers (nucléaire, LGV, OGM, nanotechnologies etc….) sont révélateurs de l’attachement de la gauche à l’idéologie du progrès technique comme moteur du progrès social, alors même que ces deux questions sont déconnectées depuis fort longtemps. Bien au contraire, c’est l’emballement actuel du progrès technique qui est à l’origine de coûts économiques et sociaux croissants ainsi que de graves atteintes aux libertés publiques (traçabilité informatique du citoyen).
Malgré ce fossé, les représentants de l’écologie politique continuent à se situer à gauche quoique l’expérience ait prouvé depuis longtemps que plus rien ne la distinguait de la droite au niveau des politiques effectivement suivies. Si l’on prend le cas exemplaire des accords de Grenelle, une initiative de la droite sarkoziste, on peut raisonnablement penser que la gauche n’aurait pas mieux fait et elle n’a d’ailleurs sur ce dossier manifesté aucune opposition alors que ces accords ont fait l’objet de multiples critiques au sein même du mouvement écologiste. Qu’il y ait des valeurs communes entre la gauche et les écolos est une chose, surtout dans la mesure où la droite a abandonné ses valeurs traditionnelles (la patrie, la famille, la religion etc..) pour celles plus prosaïques de la compétition économique et de l’argent. Autre chose est le fait de s’identifier avec des partis politiques usés par l’exercice du pouvoir et n’incarnant plus depuis longtemps le combat social mené contre le capitalisme.
La vérité est que le surgissement de la question écologique à la fin du XXième siècle met en lumière le retard incroyable de la pensée politique au regard des questions multiples (et pas seulement écologiques) soulevées par ce que mon père appelait « la grande mue de l’humanité ». De ce point de vue, l’opposition entre la droite et la gauche apparaît complètement décalée aujourd’hui. Et il y a d’ailleurs une preuve à cela : à savoir la montée régulière de l’abstentionnisme électoral démontrée par les dernières élections qui confirment le fossé croissant séparant les représentants de l’oligarchie du reste de la population.
Il s’agit là d’une crise majeure de la démocratie dite représentative illustrée chaque jour par les multiples manifestations d’opposition qui dans le désordre surgissent de la société civile sans relais politiques.
Il manque à nos temps troublés, l’équivalent historique du rôle joué par le mouvement des Lumières au XVIII ième siècle qui est à l’origine de la révolution de 1789.

Simon CHARBONNEAU